with or without • pv

une ville. déserte. une rue, au béton aussi gris qu'un ciel d'hiver et sans doute aussi glacé. tout est possible. tout est réalisable. alors pourquoi faire comme si tout cela était ordinaire ? peut-être que le beau me dégoûte, au fond. je ne sais pas. quoi qu'il en soit, je suis certain d'une chose. d'une seule chose. le sol, ce même sol sur lequel je repose, est glacé. tout est froid ici. aussi glacé que l'est mon cœur. que l'est le sien. bêtement, je l'attends. elle viendra, j'en suis sûr. je le sens. assis à même le sol, je laisse l'arrière de mon crâne reposer contre un mur. la pierre est dure, rugueuse. douloureuse. j'esquisse un sourire en soufflant lentement une volute de fumée par les narines. je suis bien peu de chose sans elle. peut-être devrais-je cesser de jouer ainsi. cette pensée m'arrache une grimace de gêne. je n'ai pas de raison à écouter. je ne suis que pulsion et mal être. méchanceté et insomnie. je l'entraîne dans ma chute et c'est un sentiment délicieux que celui de se sentir vivant sous le regard d'autrui. elle est mon alter ego. je la déteste tellement. en silence, je soupire et ferme les yeux. mes muscles se relâchent et la cigarette bascule jusqu'au sol. ma réalité n'est pas colorée, mais terrifiante et enivrante. elle est le cercueil dans lequel je commencer doucement à m'enfermer. Et toi, et toi Invité, préférerais-tu être brûlé ou enterré ?

mes yeux s'ouvraient. et d'un bond, j'étais debout, déjà prête à partir. un tour sur moi-même et je découvrais l'endroit où j'étais. ce n'était pas l'endroit auquel je m'étais couché, et j'en vins à la conclusion que j'étais encore une fois partie dans un de mes rêves. un pas, puis un deuxième, et le monde se transformaient plus j'avançais. Et plus j'avançais, plus j'allais vite, parce que je n'avais qu'une hâte : le retrouver. le retrouver et l'admirer, le retrouver et le haïr tant je l'aimais, le retrouver puis le regretter. ma vie n'était qu'erreur, et pourtant je n'apprenais jamais rien d'elles. je courrais presque maintenant, ne prenant même pas le temps de respirer - pouvait-on mourir dans un rêve ? - et je m'arrêtais quand je le vis. comment pouvait-on être si épris par une création de son esprit ? étais-je donc malade à ce point pour être passionnée par ce que j'ai construit peu à peu ? mais il semblait parfois si réel. je ne lui souris pas. je m'avançais juste jusqu'à être juste face à lui. c'était mon rêve, et pourtant je ne savais absolument pas ce qu'il avait à l'esprit.

un bruit de pas, léger, discret. un son que je pourrais reconnaître entre mille, pour l'avoir tant attendu et tant de fois entendu. j'ouvre avec une lenteur toute particulière les paupières et fixe mon regard sombre sur elle. je la vois sans la voir. mes yeux semblent transpercer son corps sans s'y attarder. je ne l'ignore pas, mais je feins le désintéressement. parce que je sais que cela fait mal, de se sentir jugé, zappé. de ne pas pouvoir être observé et considéré à sa juste valeur. je lève légèrement le visage vers elle et prend parole le premier. tu en as mis du temps. ma voix a un ton de reproche. c'en est un, au fond. je n'aime pas qu'elle ne laisse seul, tout comme je ne supporte pas de passer mon temps à ses côtés. étrange situation. je plie les jambes et ramène mes genoux contre mon torse. ce n'est pas elle qui me fera me lever. ne suis-je pas un être totalement indépendant ? ne trouvant pas de réponse à cette interrogation, je détourne le regard vers la rue qui se fait de plus en plus sombre. l'air est frais et le décor ressemble de plus à plus à une ville fantôme. bâtiments désinfectés, sous un ciel gris. une soirée d'hiver, qui voit la nuit tomber petit à petit sur la scène.
scène hors du temps.

tu en as mis du temps. je forçais mes yeux à ne pas vaciller, à ne pas montrer la peine que j'éprouvais en cet instant alors qu'il ne prêtait pratiquement pas attention à moi. ne pouvait-il pas parfois être satisfait de me voir ? non. car pour lui, c'était mon devoir de courir vers lui dès que j'en avais l'occasion. ce n'était pas quelque chose d'exceptionnel, c'était quelque chose de normal, une routine étonnante instaurée dans une vie chaotique. j'aurais eu envie de lui hurler dessus, de lui dire que je pouvais ne pas venir, que je pouvais l'oublier comme ça, en un clin d'oeil. mais ça serait mentir, et il le saurait, et j'étais bien trop dépendante à lui. alors, doucement, je baissais la tête et murmurais : « pardon » si soumise, si à lui. je lui appartenais à un point qui me faisait peur, je cherchais tellement son approbation que je n'osais rien faire de peur de le contrarier. j'avais envie de me rapprocher de lui, de le toucher, de faire quelque chose, mais j'avais si peur qu'il s'envole au moment ou ma main se poserait sur lui. j'osais quand même faire un micro pas vers lui. « es-tu fâché ? »

brook. elle est bien la seule sur qui mon pouvoir est si grand. la seule à se laisser si aisément prendre dans mes filets. cela pourrait être dérangeant, mais au contraire, cela m'amuse et je me retiens de sourire. si soumise à sa propre imagination. le serais-je, à sa place ? si une femme tout droit sortie de mes rêves venait à apparaître, me séduisant au point que ma vie serait un enfer sans elle ? je l'ignore. sans doute pas. on n'emprisonne pas aussi facilement, un être semblable à celui que je suis, dans cette prison doré : l'amour. je soupire et, pour toute réponse, plonge mon regard dans le sien. si je suis en colère ? chaque instant de ma vie. chaque heure. chaque minute. chaque seconde. j'ai toute l'éternité pour lui en vouloir. non. peut-être. j'en sais rien. je me relève. mensonge, je sais très bien. je croise son regard et esquisse un sourire qui n'a rien d'engageant. mais c'est pas grave, j'ai tout mon temps. nouveau reproche ? celui de l'avoir créé peut-être ? peut-être oui. je m'approche d'elle, la contourne, décrit un cercle autour de son corps pour finalement m'arrêter dans son dos. la comparaison la plus juste serait sans doute celle d'un prédateur tournant autour de sa proie. cherchant la faille. s'amusant à la frôler pour la voir frissonner. quel plaisir malsain que celui d'observer les courts poils de son bras se dresser vers le ciel, tout en sachant que le seul à l'origine de ce mal, est l'adorable petit personnage que je suis. je me penche vers son oreille. je m'amuse enfin. viens. un ordre ? sans doute. je recule, lui tourne le dos et m'éloigne dans la direction opposée, sans attendre de réponse, sans même me retourner. je sais. je sais qu'elle va me suivre, je n'ai donc pas besoin de le vérifier.

non. peut-être. j'en sais rien. mon corps se crispait à l'écoute de cette réponse. trop de vague, trop d'hésitation pour qu'elle soit sincère. il était en colère, et j'en étais sûrement responsable pour une bonne grande partie. maintenant debout devant moi, je dus lever la tête pour le ne pas cesser le contact entre nos yeux. me lasserais-je un jour de lui ? penchant la tête sur le côté en observant ses lèvres se courber, je concluais que jamais il ne pourrait m'ennuyer, et quoiqu'il fasse il sera malheureusement toujours aussi captivant.  viens. sa voix, alors que je ne m'y attendais plus. je frissonnais, une nouvelle fois, mon corps se détendant alors qu'il s'éloignait de moi, et je me retournais, prête à lui courir après s'il partait trop loin. je sentais le noir se faire autour de nous, commençant à engloutir ce paysage de ville qui s'était fait. effrayant, angoissant, je partis presque en courant pour le rejoindre et ne pas me faire happer par l'obscurité. j'étais comme son chien, sa chose, mais le pire dans cette histoire était que je ne m'en offusquait même plus. « où va-t-on ? » une pointe d'excitation subsistait dans ma voix, comme une enfant à qui sont père faisait une surprise.

un sourire s'anime furtivement sur mes lèvres. dans les rêves de cette demoiselle, je suis le maître. pire que ça et, pour pousser le vice toujours plus loin, je dirais même que je suis son maître. un peu glauque à dire, un peu étrange aussi et peut-être dur à reconnaître en sachant que c'était grâce à elle que je pouvais aujourd'hui sans peine la torturer. je me tourne vers elle, tout en continuant à avancer dans l'ombre, à reculons, tandis que le paysage tombe doucement, mais sûrement en ruine. es-tu déjà monté sur le toit d'une voiture alors qu'elle est lancée à pleine vitesse sur une route, genre... en ligne droite ? tu sais, une voiture où il est impossible de freiner. et toi, debout, à essayer de te maintenir droite, le vent qui te frappe le visage... j'inspire profondément. tu devrais essayer. non, non, on essaiera. un jour, on essaiera. suis-je fou ? sans doute. je me mets à ricaner et lui tourne de nouveau le dos. sur le toit du monde. on va sur le toit du monde, princesse. une ironie pesante se fait entendre dans ma voix, alors que je lui donne ce surnom qui, pourtant, devrait être doux. mais il n'en est rien. et elle le sait. elle sait qu'elle n'a rien d'une princesse. le noir se dissipe alors doucement et une lumière blanche, forte, aveuglante s'abat sur nous. j'écarte les bras et effectue un tour sur moi-même avant de la fixer à nouveau. l'endroit où nous sommes est assez étrange. il pourrait s'apparenter au toit d'un immeuble immense. une plateforme au-dessus du vide, au-dessus même des plus fins nuages. et en bas, le vide, le sol. des champs, une ville aussi, au loin. le toit du monde où le vent souffle d'une force incroyable. je hausse la voix pour me faire entendre, me délectant d'avance de la tête qu'elle va faire à la vue de l'endroit. alors, ça te plaît ? dis-moi que ça te plaît ! je veux la satisfaire. je veux la voir heureuse. pour la briser un peu plus.

je ne pouvais pas seulement dire que je l'écoutais, je buvais ses paroles. mes yeux ne lâchaient même plus ses lèvres, mes oreilles n'entendaient que lui. si le monde s'effaçait autour de nous, ce n'était pas qu'il disparaissait, c'est que mon monde se réduisait à lui, notyep, cet homme qui était moi. en pire, bien entendu. je fermais doucement les yeux, les rouvrant seulement lorsqu'il eut fini de parler, mes yeux s'ancrant dans son dos, ne le quittant plus de peur qu'à un seul clin d’œil il disparaisse. sur le toit du monde. on va sur le toit du monde, princesse. je continuais de le fixer, mon regard vacillant un coup avant de se refixer, plus dur. le monde autour de nous changea, et je dus fermer les yeux pour ne pas être aveuglée, et ce fut seulement une fois que je fus sure que nous étions fixé que je les rouvris, tournant sur moi même pour observer les lieux. alors, ça te plaît ? dis-moi que ça te plaît ! est ce que ça me plaisait ? j'eu un petit sourire en coin, avant de lui répondre : « oui » et que lui répondre d'autres quand il me demandait une telle chose ? d'un pas lent, je me rapprochais du bord, avançant ma tête pour essayer d’apercevoir le sol de la où nous étions. mais nous étions bien trop haut. je tournais le dos au bord, et souris. « si je tombe, tu me ramasseras ? » non. je ne lui demandais même pas de me rattraper.